09 avril 2019

8 avril 2019


Petit temps d'arpentage et gros moment d'émotion pour l'auteur dont on déchire les pages de son livre. 
 Dialogues et échanges puis lecture.

C’est un petit ressort
qui traîne au sol
un peu triste de son sort.
On l’a laissé tomber.
Il se souvient
d’une grosse machine.
L’avait sa place
au milieu des rouages,
et même un rôle capital.
Bien accroché,
il se tendait
jusqu’à ce que le cliquet
en bout de course
cède et reprenne sa place.
Alors,
tout recommençait.
C’était reparti pour un tour.
L’avait toujours été
un ressort tissant des liens

très étroits
avec son environnement.
Cela semblait perpétuel.
Jamais l’aurait pensé
se retrouver
dans une telle situation.
L’avait entendu des bruits
qui couraient dans l’usine.
Puis un grand silence,
pas habitué au silence.
Là - dedans
ça tournait 24 heures sur 24,
le grand huit.
Et là,
un long silence.
D’une durée impensable
pour son temps de ressort.
Jusqu’au jour
où il sent qu’on les déplace
sa machine et lui,
qu’on les déménage.
Il voit le jour.
Il sent qu’ils décollent du sol
sa machine et lui,
et qu’ils retombent
sans ménagement
dans une benne
sa machine et lui
ça lui fait de la peine.
Puis ça vibre,
il fait jour,
il fait nuit,
il fait froid
il fait chaud.
Puis il éprouve un grand détachement
et se retrouve libre
à rouler au fond de la benne.
Enfin par un trou,
il tombe sur ce qui doit être
une route.
Et pour la première fois
il se retrouve seul
à traîner au sol, un peu triste de son sort.
La route est en fait
une rue passante
et là arrive
l’immense Jean Tinguely
qui roule tout seul
comme s’il était monté sur roue
comme s’il était programmé
mécanique de lui même.
Jean Tinguely voit le ressort
Jean Tinguely se baisse
Jean Tinguely l’est gentil
li fait
des tinguely guili guili
au ressort
Puis
il met le ressort dans sa poche.
Quelques mois passent.
Et notre ressort
se retrouve dans une grosse machine
où il a sa place
au milieu des rouages,
et même un rôle capital.
Bien accroché
il se tend
jusqu’à ce que ce cliquet
en bout de course
cède et reprenne sa place.
Alors tout recommence.
Sauf que maintenant
L’est plus un ressort industriel,
l’est devenu un ressort culturel.
Il voit du monde
et du monde vient le voir
si vous allez à Bilbao
au musée Guggenheim.
Dans la mécanique
parfois bien huilée
de nos journées comptées,
parfois se glisse un petit ressort.
C’est alors que l’on a le sentiment
que tout,
peut recommencer !                Jacques     Atelier 8 -  le 8/4/2019  


Je rêve d’îlots rieurs et de criques ombragées

Je rêve de cités verdoyantes silencieuses la nuit
Je rêve de villages blanc bleu sans trachome
Je rêve de fleuves profonds sagement paresseux
Je rêve de protection pour les forêts convalescentes
Je rêve de sources annonciatrices de cerisaies
Je rêve de vagues blondes éclaboussant les pylônes
Je rêve de derricks couleur de premier ami
Je rêve de dentelles langoureuses sur les pistes brûlées
Je rêve d’usines fuselées et de mains adroites
Je rêve de bibliothèques cosmiques au clair de lune
Je rêve de réfectoires fresques méditerranéennes
Je rêve de tuiles rouges au sommet du Chélia
Je rêve de rideaux froncés aux vitres de mes tribus
Je rêve d’un commutateur ivoire par pièce
Je rêve d’une pièce claire par enfant
Je rêve d’une table transparente par famille
Je rêve d’une nappe fleurie par table
Je rêve de pouvoirs d’achat élégants
Je rêve de fiancées délivrées des transactions secrètes
Je rêve de couples harmonieusement accordés
Je rêve d’hommes équilibrés en présence de la femme
Je rêve de femmes à l’aise en présence de l’homme


Je rêve de danses rythmiques sur les stades
Et de paysannes chaussées de cuir spectatrices
Je rêve de tournois géométriques inter-lycées
Je rêve de joutes oratoires entre les crêtes et les vallées
Je rêve de concerts l’été dans les jardins suspendus
Je rêve de marchés persans modernisés
Pour chacun selon ses besoins
Je rêve de mon peuple valeureux cultivé bon
Je rêve de mon pays sans torture sans prisons
je scrute de mes yeux myopes mes rêves dans ma prison.

Ces rêves de Bachir Hadj Ali (1920-1991) datent de 1970. militant anticolonialiste, secrétaire général du parti communiste algérien, le poète fut torturé et emprisonné sous H Boumédiene
Lu par Joël
paru dans le journal Le Un du 20 mars

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